L’Organisation mondiale du commerce (OMC) vient d’autoriser Washington à prendre des sanctions tarifaires records sur près de 7,5 milliards de dollars de biens et services de l’Union Européenne dans le cadre du conflit sur les aides accordées à Airbus alors que les Etats-Unis avaient réclamé la possibilité d’aller jusqu’à 10,56 milliards de dollars par an de sanctions douanières. Il s’agit de la sanction la plus lourde jamais accordée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Par anticipation des lourdes sanctions douanières pour l’importation des avions européens (NDRL : jusqu’à 100%), des compagnies clientes d’Airbus ont discrètement demandé au constructeur d’accélérer certaines livraisons, comme Delta Air Lines qui lundi dernier s’est empressé de rapatrier sur le territoire américain un A330neo neuf juste avant que l’annonce de l’OMC ne soit prononcée.
L’accord de l’OMC ne préjuge pourtant pas de la décision des États-Unis d’imposer ou non ces sanctions en totalité ou en partie, et personne de sait la forme de surtaxes et la gamme de biens et services européens qui seront visés même si c’est bien l’industrie aéronautique, Airbus en tête qui est dans le collimateur. Ce jeudi 3 octobre le gouvernement américain a annoncé le montant de la surtaxe douanière sur les avions européens qui ne sera finalement que de 10 %, un montant très largement inférieur à ce qui était attendu et un véritable soulagement pour l’avionneur européen. Parallèlement Washington annonce que l’entrée en vigueur de ces surtaxes n’interviendra qu’à la mi-octobre.
/// Encourager un règlement à l’amiable
Suite à cette annonce l’Union européenne a immédiatement menacé par la voie de la Commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, de riposter en cas de nouveaux droits de douane américains tout en réitérant sa « volonté de trouver un règlement équitable » avec les États-Unis. A Paris, le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire a prévenu que les États-Unis feraient « une erreur économique et politique » s’ils décidaient d’imposer des sanctions tarifaires, et a appelé à une « résolution à l’amiable ».
De son côté, Airbus réitère son appel à des pourparlers en vue de réduire les tensions commerciales. « Si le représentant américain au commerce (United States Trade Representative – USTR) choisit d’imposer des droits de douane sur l’importation d’aéronefs et/ou de composants d’aéronefs, cela créera de l’insécurité et perturbera non seulement le secteur aéronautique et spatial, mais également l’économie mondiale dans son ensemble. » explique le groupe dans un communiqué de presse et plaide pour un règlement négocié de ce litige de longue date qui oppose en réalité Boeing et Airbus. Rappelons qu’une contre-procédure à l’OMC a parallèlement été lancée par l’UE concernant des subventions possiblement illégales versées à Boeing par les États-Unis. Cette derniére pourrait déboucher dans les mois à venir, par des contre-mesures douanières que l’UE pourrait imposer à l’encontre des produits américains à un niveau qui pourrait même dépasser celui des sanctions américaines.
/// Un conflit économique contre productif
Cette guerre économique qui oppose les deux avionneurs soucieux de conserver leur hégémonie prend au fil du temps la forme d’une spirale contre productive pour l’économie mondiale tout entière, en attisant les tensions économiques et en mobilisant les forces vives des deux côtés de l’Atlantique pour affaiblir l’autre partie. Un jeu dangereux auquel se livre les deux industriels et qui fragilise non-seulement la performance économique des deux puissances mais menace aussi l’équilibre global du secteur de l’aviation, un secteur particulièrement mondialisé. Manche après manche, cette stratégie de l’affrontement systématique entre Airbus et Boeing pourrait davantage profiter à la Chine, dont l’industrie aéronautique performe aujourd’hui à un niveau encore jamais atteint.
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