Le groupe Boeing vient d’annoncer ce mercredi la création d’une entreprise basée à Reno (Nevada), qui sera pionnière sur le marché des avions supersoniques de nouvelle génération. Le géant américain investit de manière significative dans Aerion pour accélérer le développement technologique et la conception du premier avion supersonique privé en développant de nouveaux marchés. Le premier vol de cet avion est prévu pour 2023. Au Royaume-Uni, le projet de Boom Supersonic est lui aussi en train de trouver des financements. La start-up a levé 100 millions de dollars en janvier 2019 pour continuer de financer un prototype de son futur avion capable de transporter 55 passagers.
Boeing va ainsi soutenir le lancement de l’AS2 d’Aerion, le premier avion d’affaires supersonique lancé sur le marché et mettra pour cela ses moyens financiers, techniques et industriels au service de ce projet.
/// Le retour des vols supersoniques
Lancé en 2014, l’AS2 est conçu pour pouvoir atteindre Mach 1,4 (environ 1 700 km/heure). Une performance encore bien en dessous du Mach 2,2 que pouvait atteindre l’avion franco-britannique Concorde pour réaliser la prouesse de rallier New-York en 3h depuis Londres. Pour autant l’AS2 devait voler 70 % plus vite que les jets d’affaires actuellement en service et devait ainsi permettre de gagner environ trois heures sur un vol transatlantique. La société Aerion, fondée en 2003, a dévoilé la conception du moteur de l’AS2, GE Affinity, en insistant sur le respect des normes actuelles en matière d’émissions et de bruit. L’avion qui pourra embarquer 12 passagers devrait faire son premier vol en 2023.
/// Un retard à l’allumage de plus de 50 ans
Alors que dès le milieu des années 50, l’avenir du transport aérien civil s’imaginait avec des avions supersoniques, les européens annoncent en 1962 le lancement d’un projet commun entre les britanniques et les français : le Concorde. Cette nouvelle fit souffler un vent de panique dans l’industrie aéronautique au niveau mondial et plus particulièrement dans l’industrie américaine, avec pour conséquence le lancement en 1963 par l’administration Kennedy du programme pour soutenir le développement d’un projet d’avion supersonique « made in US » le National Supersonic Transport. L’avance déjà prise par les européens avec le Concorde poussa Najeeb Halaby, le directeur de la FAA de l’époque, a sélectionné le Boeing 2707, un projet encore plus ambitieux avec des performances plus importantes que son principal concurrent, notamment une voilure mobile. Ce futur avion supersonique devait embarquer deux fois et demi plus de passagers que le Concorde et voler à une vitesse de croisière maximale de 3 000 km/h , soit Mach 2,7.
Pris dans une course effrénée à l’innovation, les industriels américains ont, semble-t-il, eu à l’époque les yeux plus gros que le ventre et se sont rapidement heurtés à des problèmes difficilement surmontables qui les ont poussés à réduire la voilure en présentant une seconde version de l’avion plus petite avec une voilure Delta fixe: le Boeing 2707-300. Mais le retard pris sur le développement, les coûts trop importants et l’opposition grandissante dans le pays face aux risques et nuisances environnementales et sonores (toutes subjectives soient-elles) poussa le Sénat américain en 1972 à couper les financements du projet, clouant définitivement au sol les ambitions supersoniques américaines restées au stade de deux prototypes qui n’ont jamais été achevés. Le projet avait pourtant séduit 26 opérateurs aériens et totalisait environ 120 commandes.
/// Une technologie mal aimée
Jusqu’en 2003, des passagers privilégiés ont eu la chance de goûter au voyage en vol supersonique à bord du Concorde mais lui aussi a dû se battre pour éviter les embuches sur son trajet. Aux USA, le contexte reste particulièrement hostile au développement de la technologie supersonique. Vexée par le revers subit avec le projet américain, l’industrie du pays ne semble pas pour autant décidée à se laisser damer le pion par les européens. En réponse aux pressions grandissantes de l’opinion publique et des associations sur les politiques, la FAA interdit en mars 1973 au Concorde le survol du territoire en vol supersonique en raison des nuisances et des effets encore mal connus du bang sonique. Une décision immédiatement imitée par l’Allemagne, le Canada, le Danemark, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse et qui finit par devenir quasiment mondiale.
Alors que le programme Concorde comptait 74 commandes et options prises par 16 compagnies aériennes dont 8 nord-américaines, elles seront prisent de doute après l’annulation fin 1972 de la commande passée par United Airlines, et annuleront les unes après les autres leur commande pour l’avion franco-britannique, brisant les espoirs commerciaux du programme. En octobre 1975, après cinq ans d’essais, le Concorde décroche son certificat de navigation et débute les premiers vols commerciaux le 21 janvier 1976 entre Paris et Rio de Janeiro via Dakar mais aussi entre Londres et Bahreïn. Il reçoit en février 1976 l’autorisation d’atterrir sur le territoire américain mais dès le mois de mars des autorités locales lui refusent temporairement l’accès à l’aéroport de New-York, où il pourra finalement atterrir le 22 novembre 1977, après l’annulation par la justice fédérale américaine de cette décision.
L’avenir commercial du premier avion supersonique civil au monde est dès lors fortement compromis, seules les compagnies nationales des pays ayant participé à son développement conserveront des commandes. Le Concorde ne sera finalement construit qu’à 20 exemplaires dont 6 ayant servi au développement et 14 qui seront utilisés durant près de 30 ans en exploitation commerciale par British Airways et Air France.
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visuels : Boeing, J.Carnall sous (CC BY 2.0), Spacceaero2 sous (CC BY-SA 3.0), PAN AM et R.Khanna-Prade
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