L’avionneur européen célèbre cette année les 100 ans de la création du site de Saint Eloi, où sont fabriqués les mâts de réacteurs des avions Airbus, un élément de très haute technologie qui permet de relier le moteur à la voilure. On vous explique tout sur cette pièce en fin d’article.

Pour célébrer l’anniversaire de ce lieu qui compte parmi les symboles de l’aventure industrielle aéronautique dans la ville rose, une exposition-photo inédite ouverte à tous retraçant des décennies d’innovation et d’excellence aéronautique en lien avec la capitale occitane se tiendra du 21 mai au 9 juillet 2021 place du Marché aux Cochons, dans le quartier des Minimes à Toulouse.

Saint Eloi en 1958

Saint Eloi en 1958

Situé au cœur de la ville rose dans le quartier des Minimes, le site de Saint Eloi occupe une superficie de 65 000 m² à laquelle s’est ajouté en 2016 un deuxième site à proximité des pistes de l’aéroport de Blagnac pour une superficie totale de  75 000 m².  Mais l’histoire centenaire de ce site emblématique débute avec un autre avionneur, Dewoitine.

1921- 1945 : L’ère Dewoitine

En 1921, l’industrie aéronautique est déjà bien implantée à Toulouse avec la présence ce nombreux constructeurs, motoristes, comme la Société des Ateliers d’Aviation Louis Breguet depuis 1910, et la Société Générale d’Entreprises Aéronautiques depuis 1917 avec Latécoère ou travaille Emile Dewoitine en qualité de chef de fabrication avant de démissionner en 1921 pour créer sa propre entreprise.

Équipe Dewoitine en 1921

Équipe Dewoitine en 1921

Loin de Paris et hors de  portée théorique des bombardements, Toulouse avait l’avantage d’abriter des ouvriers chaudronniers et des ouvrières « tendeuses de toiles» qui contribuent à la fabrication des premiers  avions à ailes souples, comme le planeur P1, puis à la mise au point de la voilure à mono longeron  métallique, rendant la structure rigide ; une innovation d’Emile Dewoitine qui va révolutionner la construction aéronautique.

Planneur Dewoitine P1

Planneur Dewoitine P1

Emile Dewoitine crée la société CAED (Constructions Aéronautiques Emile Dewoitine) à Toulouse et loue, le 20 mai 1921, un ancien entrepôt de salaisons de 4 000 m2 dans le quartier « Pasteur » attenant à l’usine Saint Eloi actuelle pour rapidement mettre au point un chasseur monoplace, le  D1.

Maquette d'avion à l’échelle 1 en 1921

Maquette d’avion à l’échelle 1 en 1921

Dewoitine D1

Dewoitine D1

Cet avion effectue son premier vol en novembre 1922 et sera un premier succès car produit à 234 exemplaires.

Chaudronnier à Saint-Eloi en 1924

Chaudronnier à Saint-Eloi en 1924

Hydravion testé sur le Canal Midi en 1931

Hydravion testé sur le Canal Midi en 1931

Personnel dans les années 30

Personnel dans les années 30

En juillet 1934, il aménage un bâtiment usine de plus de 6 000 m2 nommé Saint Eloi où seront construits plus de 400 appareils.

Première équipe à Saint Eloi

Première équipe à Saint Eloi

Fin 1938, les cadences de fabrication continuent d’augmenter mais devant la menace d’une guerre imminente, le gouvernement français décide de regrouper et de nationaliser les usines toulousaines sous le nom de Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Midi (SNCAM) avec aux commandes Emile Dewoitine. Ce dernier décide alors de bâtir un premier hall d’assemblage sur le lieu-dit Saint Martin du Touch, et d’agrandir le site de Saint Eloi à 28 000 m2.

Usinage de tole dans les années 30

Usinage d’une tôle dans les années 30

Toulouse devient, durant la guerre, la Capitale de l’Aéronautique où travaillent près de 10 000 personnes à produire une centaine d’avions par mois avant que l’armistice de 1940 ne mette un coup d’arrêt brutal à cette aventure et oblige l’usine Saint Eloi à effectuer une reconversion temporaire, cinq années durant, pour la fabrication de cadres de bicyclettes, fours, remorques, pièces de carrosseries ou encore de meubles métalliques de bureau et de cuisine.

1945 – 1970 : De l’artisanat à la haute technologie

Le conflit mondial terminé, la reprise d’après-guerre s’amorce et Saint Eloi passe d’une production artisanale à un mode industriel en participant aux premiers grands programmes d’avions civils comme le Languedoc, l’Armagnac et le mythique Concorde.  

Armagnac en 1945

Armagnac en 1945

Cadre de fuselage et partie centrale de l'aile du Concorde à Toulouse

Cadre de fuselage et partie centrale de l’aile du Concorde

Le développement de l’A300B, le premier avion Airbus, est lancé officiellement en 1969 au Salon aéronautique du Bourget et marque le rapprochement d’Aérospatiale, côté français, et de Deutsche Aerospace, côté allemand, qui donneront naissance au géant européen. Les pièces élémentaires du mât réacteur de l’A330 sont usinées à Saint Eloi pour être assemblées à Blagnac.

1970 à 1990 : Airbus aux manettes

Pour contrer l’hégémonie de l’industrie américaine, le groupement d’intérêt économique Airbus Industrie voit officiellement le jour en décembre 1970 pour entériner la coopération entre les partenaires français, allemand, britannique et plus tard espagnol qui proposeront aux clients d’Airbus une interface unique pour la vente, la commercialisation et le support des avions civils.

A la fin 1975, Airbus a déjà réussi à mettre la main sur 10% du marché mondial des avions civils et affiche un carnet de commandes total de 55 avions à produire. Un chiffre qui paraît bien dérisoire en comparaison aux 6 187 aéronefs inclus au carnet de commandes de l’avionneur fin avril 2021.

Revenons à Saint Eloi au début des années 80, où sont usinées des pièces de haute technologie «cousues main» par les compagnons en chaudronnerie et tôlerie, qui vont bénéficier de l’introduction de nouvelles machines ultra performantes.

Chaudronnier en 1990

Chaudronnier en 1990

Trois unités sont alors créées au sein de l’usine : le Traitement de surface, la Tôlerie qui accueille des étireuses de matière première très encombrantes, alors que le bâtiment dit Bobillot, situé en face de Saint Eloi, intègre pour la première fois la CFAO (Conception et Fabrication Assistées par Ordinateur) qui reléguera la fabrication manuelle de maquettes à l’échelle 1 aux oubliettes.

Bureau d'études en 1980

Bureau d’études en 1980

Fin des années 80, avec quatre programmes d’avions au catalogue (l’A300B depuis  1969, l’A320 depuis 1984 et les A340/A330 depuis 1987), les ingénieurs du Bureau d’Etudes d’Airbus s’installent à Saint Eloi pour concevoir et mettre à jour les produits, au plus près des ateliers. C’est en 1987, que les activités d’assemblage des mâts réacteurs des A320 sont transférées du site de Blagnac vers le site Saint Eloi.

Performance Industrielle depuis 1990

Reconnue pour ses métiers, compétences, sa performance et un esprit «familial», le site de Saint Eloi s’agrandit et se modernise au rythme des cadences de production qui augmentent. Plus de 450 mâts réacteurs sont livrés chaque année à la fin des années 1990.

Airbus rachète à cette époque une entreprise attenante et intègre la rue de la Manutention, qui sépare les deux bâtiments, au site de Saint Eloi et monte, en l’espace de quelques années, à près de 800 mâts réacteurs construits par an. Encore insuffisant pour tenir les cadences galopantes des programmes A320, A330, A340 d’Airbus et de turbopropulseurs d’ATR, la décision est prise d’externaliser toutes les activités liées aux traitements de surface des pièces produites.

En 2010 un nouveau hall dédié à l’assemblage des mâts réacteurs de l’A350 est créé et abrite la toute nouvelle  «flowline», un système permettant le passage des pièces d’un poste de travail à un autre grâce à un pont roulant.

FAL mobile mât A320

FAL mobile «flowline» des mâts A320 en 2011

Finition d'une pièce en 2015

Finition d’une pièce en 2015

De 2011 à 2021, les équipes de de Saint Eloi font face à des modifications industrielles majeures pour répondre aux nouveaux développements des familles NEO, et des motorisations CFM, P&W…, avant qu’un deuxième site à proximité des pistes de Blagnac ne vienne soutenir la production des mâts réacteur de monocouloirs.

Vue de Saint Eloi en 2017

Vue de Saint Eloi en 2017

L’usine de Saint Eloi maîtrise le processus global de production des mâts réacteurs depuis le premier copeau de métal jusqu’à la livraison de la pièce et demeure toujours le principal «fournisseur» d’Airbus de mâts réacteurs de nouvelle génération pour des motorisations plus économes en carburant et en  émissions de CO2, voire demain totalement décarbonées grâce à l’hydrogène.

L’avionneur ambitionne désormais d’y fabriquer un élément propulsif complet et intégré, de produire des pièces élémentaires stratégiques, complexes et à forte valeur ajoutée pour rester un lieu de référence en matière de travail des métaux durs, d’ensemble propulsif et de structures complexes.

Zoom sur le mât réacteur

Le mât réacteur est la pièce maîtresse fixée à la voilure de l’aéronef qui soutient le moteur pour transmettre les charges et la puissance des réacteurs à l’avion.

 

Extrêmement sollicitée par les vibrations aérodynamiques, la pièce abrite en son centre tous les circuits électriques, hydrauliques et carburant qui alimentent le moteur.

Principalement fabriqué en titane cet élément essentiel doit être à la fois léger et résister à des températures allant de -50° à +600°C.

Installation du Mât sur A350

Installation du Mât sur A350

Une fois assemblés et testés à Saint Eloi, les mâts réacteurs sont acheminés vers les lignes d’assemblage final d’Airbus de Toulouse, Hambourg (Allemagne), Mobile (USA) et de Tianjin (Chine) pour être montés sous les voilures des avions avant de recevoir le moteur.

Fixation du moteur au mât sur un A350-1000

Fixation du moteur au mât sur un A350-1000

En 2021, l’usine Saint Eloi qui compte aujourd’hui près de 1 200 collaborateurs reste le seul site dans le monde à concevoir, usiner, produire, assembler et livrer les mâts réacteurs pour les avions Airbus. 

Depuis mai 1969 et le lancement de l’A300, Saint Eloi a produit près de 27 000 mâts réacteurs pour les avions de l’avionneur européen.

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