Le 23 novembre, Airbus, Thales et Leonardo ont annoncé la signature d’un protocole d’accord visant à regrouper leurs divisions spatiales au sein d’une société commune détenue à 35 % par Airbus et à 32,5 % par chacun de ses partenaires et qui doit voir le jour en 2027.
Mais alors que les États-Unis dominent déjà le marché grâce à SpaceX et à sa stratégie de réutilisation des lanceurs, une question s’impose : cette consolidation suffira-t-elle à donner à l’Europe les moyens de rivaliser avec l’avance technologique américaine, ou ne s’agit-il que d’un sursaut défensif face à une domination déjà bien installée ?
Un acteur capable de rivaliser avec SpaceX et les géants américains
La nouvelle société intégrera Airbus Space Systems, Thales Alenia Space et Telespazio, couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur spatiale : conception et fabrication de satellites, services d’observation de la Terre et solutions de connectivité. L’objectif est de doter l’Europe d’un acteur de taille critique capable de rivaliser avec les mastodontes américains tels que SpaceX, Lockheed Martin ou Amazon Kuiper.
Souveraineté technologique et autonomie stratégique
Ce rapprochement s’inscrit dans une logique de souveraineté technologique européenne. Alors que les besoins en connectivité, observation et sécurité spatiale connaissent une croissance rapide, l’Union européenne souhaite éviter une dépendance accrue vis-à-vis des constellations américaines, notamment Starlink.
En mutualisant leurs moyens, les trois industriels ambitionnent de réduire les doublons industriels, accélérer la recherche et développement, et améliorer leur compétitivité face aux appels d’offres publics et privés.
Une ambition industrielle et politique
La future société vise à devenir un partenaire de confiance pour les programmes spatiaux souverains européens et nationaux. Elle se positionnera sur des secteurs stratégiques tels que les télécommunications, la navigation mondiale, l’observation de la Terre, la sécurité et l’exploration spatiale.
Le projet, baptisé Bromo, devrait générer environ 50 millions d’euros de synergies annuelles cinq ans après sa finalisation. Hors lanceurs, il couvrira un portefeuille complet de technologies et de services intégrés, renforçant la compétitivité européenne sur les marchés mondiaux.
Elle devrait employer environ 25 000 personnes en Europe, pour un chiffre d’affaires annuel d’environ 6,5 milliards d’euros (fin 2024, pro forma) et un carnet de commandes représentant plus de trois années de ventes prévisionnelles.
Une réponse à la domination américaine ?
Avec une mise en service prévue en 2027, ce futur géant spatial européen qui devrait être basé à Toulouse ambitionne de stimuler l’innovation et d’accroître la résilience de l’industrie européenne. Il s’agit d’une réponse directe à la domination américaine, notamment celle de SpaceX et de sa constellation Starlink, qui occupe une place prépondérante sur le marché mondial des satellites grâce à sa capacité d’innovation inégalée.
Alors que les lanceurs spatiaux étaient traditionnellement conçus pour un usage unique, SpaceX a réussi à réduire le prix d’accès à l’espace de manière spectaculaire en réalisant la prouesse de réutiliser jusqu’à 20 à 25 fois le premier étage de sa fusée Falcon 9. Une révolution qui a transformé en peu de temps l’économie du spatial en rendant les lancements plus compétitifs et plus réguliers au détriment du lanceur européen Ariane.
L’entreprise d’Elon Musk a réduit le coût d’accès à l’orbite basse à environ 60 millions de dollars par lancement, là où Ariane 6 devrait dépasser les 90 millions. SpaceX enchaîne les missions à un rythme industriel, dépassant les 120 lancements annuels, quand Arianespace peine aujourd’hui à en programmer une dizaine.
Le fait que les activités liées aux lanceurs spatiaux aient été volontairement exclues du périmètre de la fusion illustre une faiblesse stratégique majeure : l’Europe se prive ainsi de l’un des leviers les plus décisifs de sa souveraineté spatiale. Cette omission laisse présager que la domination américaine dans le domaine des lanceurs – incarnée par SpaceX et consolidée par l’avance technologique des États-Unis – continuera de s’imposer sans réelle concurrence européenne dans les années à venir.
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visuel : Irish Typepad sous (CC BY-NC-ND 2.0)
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