Airbus et Bombardier annoncent un rapprochement stratégique sur le programme CSeries pour en faire le leader mondial des avions de 100 à 150 sièges. Ce partenariat gagnant-gagnant des deux cotés de l’Atlantique doit propulser l’avionneur vers de nouveaux sommets et le protéger des attaques de son voisin américain en rétablissant le rapport de force entre les deux parties.

Le partenariat va faire du Québec le principal pôle de développement d’Airbus à l’extérieur de l’Europe et l’ensemble de l’industrie aéronautique canadienne se réjouit de ce rapprochement commercial des deux avionneurs et de l’arrivée du géant Airbus dans la grappe aéronautique québécoise.  « C’est un moment déterminant pour Bombardier et l’industrie aéronautique du Canada » Alain Bellemare, président de Bombardier. C’est en effet un signe fort pour l’avenir du programme CSeries, car l’arrivée d’Airbus vient en quelque sorte valider les technologies développées avec brio par l’industrie locale qui a su créer une famille d’avions nouvelle génération, là où ses concurrents se contentaient d’une mise à jour technologique de leurs produits phares.

Spécialiste de l’avion régional moyen courrier de moins de 110 sièges, Bombardier a développé sa gamme d’avions CSeries pour s’attaquer au marché des appareils de 100 à 150 sièges, délaissé par Airbus et Boeing. Par ce rapprochement, la stratégie d’Airbus est de récupérer de la valeur sur un marché où elle n’avait pour l’instant pas de réponse commerciale à apporter à ses clients. Bombardier profitera de son côté du large réseau de clients du groupe Airbus et espère pouvoir capter une part plus importante sur un marché évalué à plus de 6000 avions au cours des 20 prochaines années.

/// Sauver le programme CSeries et l’emploi aéronautique au Québec

Un retard dans le développement du programme CSeries de près de deux ans a fait exploser son coût de développement en doublant au passage le seuil de rentabilité. L’avionneur, qui devait vendre plus d’avions avant de pouvoir gagner de l’argent était donc dans l’attente de nouvelles commandes pour se donner de l’air frais. En 2015, face à des difficultés financières, Bombardier avait cherché à se rapprocher d’un des deux géants de l’aérien pour sauver sa peau. Des tentatives de rapprochement qui n’ont pas abouti et avaient laissé craindre un temps l’arrivée d’un partenaire chinois dans le programme le plus avancé et innovant du moment, désignant les contours d’une nouvelle menace pour Boeing et Airbus.

Finalement c’est le gouvernement québécois qui finira par investir dans le programme CSeries pour pérenniser l’emploi et l’industrie aéronautique au Québec mais le programme a tardé à rencontrer le succès commercial. Plus récemment, la plainte de Boeing aux États-Unis, qui a débouché sur l’annonce en septembre dernier de droits d’importation de 300% sur les avions CSeries, a refermé brusquement la porte du marché américain, sur lequel Bombardier est déjà bien présent avec ses gammes CRJ, créant une grande incertitude dans l’esprit des prospects de l’avionneur canadien. La branche de l’Aérospatial emploie quelque 40 000 personnes au Québec, dont 2000 emplois sont directement liés au programme CSeries de Bombardier.

Le constructeur européen met un pied dans la bataille commerciale entamée entre le Canada et les États-Unis. Le programme CSerie va pouvoir bénéficier de la force et de la crédibilité du groupe Airbus qui mettra à disposition de ses partenaires canadiens son expertise et son réseau commercial très puissant. « Airbus vient rassurer les clients potentiels et nous sommes confiants que plusieurs commandes qui n’ont pas été confirmées le seront à moyen terme » affirme la ministre québécoise de l’économie qui se réjouit de l’arrivée du partenaire européen. En s’alliant au principal compétiteur de Boeing, Bombardier espère s’assurer un avenir plus serein en se libérant de la pression exercée notamment par son rival américain.

/// Airbus devient majoritaire dans la Société en commandite Avions C Series

Le gouvernement va prolonger de 5 ans, jusqu’en 2041, ses engagements qui assurent l’avenir des 2000 emplois de l’usine de Mirabel et le maintient du siège de la société en commandite à Montréal. Exploité par CSALP, qui appartient à Bombardier et IQ [Investissement Québec] détenant respectivement une participation d’environ 62% et de 38%, le programme CSeries va donc accueillir l’investissement d’Airbus qui va acquérir une participation de 50,01% dans CSALP pour ramener les parts de Bombardier et Investissement Québec à respectivement 31 et 19 %. « On va plus que doubler la valeur de l’entreprise avec l’arrivée d’Airbus dans le programme » explique Alain Bellemare avant d’ajouter « la valeur de l’entreprise vient de grandir de manière significative avec l’arrivée d’Airbus dans le programme alors que le niveau de risque vient lui de diminuer de façon importante ».  L’accord prévoit qu’Airbus puisse proposer le rachat des parts de Bombardier à la valeur du marché au bout de 7 ans et demi et que Bombardier puisse aussi céder ses parts à Airbus et sortir du programme CSeries pour des raisons stratégiques. Airbus s’est aussi engagé à maintenir les activités principales du CSéries à l’usine de Mirabel et préserver au Québec les activités d’ingénierie et de recherche qui se rapportent au programme CSeries.

/// Fabriquer au États-Unis les avions pour le marché américain

La croissance du marché des avions C Series justifie la création d’une deuxième chaîne d’assemblage final à Mobile, Alabama, près de celle destinée aux A320 d’Airbus, mais l’usine d’assemblage principale des CSeries va demeurer à Mirabel. Cette dernière aura d’ailleurs une capacité trois fois plus grande que celle située aux États-Unis. Si les commandes sont au rendez-vous dans les années à venir, Airbus s’est engagé à installer prioritairement une ligne d’assemblage supplémentaire à Mirabel. Pour le gouvernement du Quèbec, qui rappelle que sa signature et son accord sont nécessaires à tout changement dans l’entente de continuité, l’objectif de continuité et de maintien de l’emploi au Québec jusqu’en 2041 est atteint avec cet accord.

L’assemblage d’appareils Bombardier en Alabama pourrait permettre au CSeries de pénétrer rapidement le marché américain. En effet Airbus dispose des agréments locaux pour pouvoir assembler des avions qui seront au final considérés comme des « domestic product » c’est a dire des produits américains.

Aujourd’hui, mardi 17 octobre, les représentants de Bombardier étaient à Toulouse, en France où se trouve le siège d’Airbus pour finaliser l’accord de rapprochement sur le programme CSeries. L’occasion pour le constructeur canadien de poser pour la toute première fois un avion CSeries CS300 à Toulouse-Blagnac, fief historique du constructeur européen.

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