Suite au crash dimanche d’un Boeing 737 MAX 8 d’Ethiopian Airlines quelques minutes après son décollage de Addis Abeba qui a fait 157 victimes, passagers et membres de l’équipage, le Bureau chinois de l’aviation civile (CAAC) a annoncé l’interdiction des vols en Boeing 737 MAX 8 qui entrera en vigueur ce lundi à 18h00 heure chinoise. Ce lundi midi, Ethiopian Airlines a annoncé que les deux boites noires : l’enregistreur de vol (Digital Flight Data Recorder) et l’enregistreur des conversations du cockpit (Cockpit Voice Recorder) du vol ET 302 ont été retrouvées.
La Chine est le premier pays à clouer préventivement l’avion au sol « afin de garantir la sécurité des vols » précise le CAAC dans un communiqué. Cette décision prudente affecte potentiellement 13 compagnies aériennes et une centaine d’avions opérant sur son territoire. En début d’après midi lundi, les autorités indonésiennes ont rejoint la Chine et demande le maintient au sol des 737 MAX des flottes de Lion Air (10) et Garuda Indonesia (1). Dimanche soir, c’est la compagnie marocaine Royal Air Maroc qui a annoncé en premier qu’elle stoppait immédiatement les vols de son premier 737 MAX 8 qu’elle a reçu en décembre 2018. Aujourd’hui la compagnie aérienne des Îles Caïmans Cayman Airways a cloué au sol ses deux 737 MAX, la compagnie Sud Africaine Comair, qui opère sous franchise British Airways, a mis au parking son premier 737 MAX 8 [ZS-ZCA], tout comme la compagnie MIAT Mongolian Airlines avec son seul exemplaire [EI-MNG].
Fait extrêmement rare, l’ancien enquêteur de la FAA David Soucie, a déclaré aujourd’hui sur la chaîne d’informations américaine CNN qu’il ne considère pas le B737 MAX comme sûr à l’heure actuelle, déconseillant de voler sur ce type d’appareil au vu des données recueillies, tant que les circonstances exactes des crash ne sont pas connues et des d’éventuelles corrections apportées.
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C’est la seconde fois en quelques mois, qu’un appareil de type Boeing 737 MAX 8 presque neuf s’écrase après son décollage dans des circonstances similaires. Fin octobre, c’était un appareil 737 MAX 8 de la compagnie indonésienne Lion Air qui s’est abîmé en mer de Java avec 189 personnes à son bord. Ce crash avait alors suscité de nombreuses réactions et des interrogations dans la communauté aéronautique mondiale, allant jusqu’à la discrète fédération américaine des pilotes de ligne qui s’était émue de l’absence d’informations suffisantes sur l’ajout d’un nouveau système : le MCAS. Des proches du dossier avait aussi indiqué que l’avion avait expérimenté plusieurs oscillations en vol la veille du crash.
Dans le cas du vol 302 d’Ethiopian Airlines, l’avion a décollé normalement mais l’équipage a rapidement envoyé un message d’urgence à la tour de contrôle pour lui faire part des difficultés qu’il rencontrait, évoquant des « problèmes d’indications de la vitesse air » (comme on le constate sur les données enregistrées par le site FlightRadar24) et l’impossibilité de « contrôler l’appareil », a précisé une source présente sur la fréquence radio à Addis Abeba au moment du décollage du Boeing 737. Ce nouveau drame, qui a causé la mort de 18 passagers canadiens et de 43 ressortissants de l’Union Européenne, relance le débat sur la sécurité du nouveau système et sur l’information et la formation des équipages sur la conduite à adopter en cas de dysfonctionnement.
/// Les automatismes de l’avion mis en cause
Avec plus de 10 440 exemplaires livrés aux opérateurs depuis sa mise en service en février 1968, le 737 et le best-seller de Boeing. Au cours de la conception de la version remotorisée du 737, le MAX, le constructeur américain a introduit un nouveau système d’aide au pilotage sensé prévenir du décrochage, le MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System) qui est désormais au centre de l’enquête sur le crash du vol Lion Air 610. Ce système activé automatiquement par l’avion « sans intervention du pilote » fonctionne avec les informations des capteurs « AOA » (Angle of Attack) placés à l’extérieur de l’avion et gère automatiquement le trim (stabilisateur) pour ordonner à l’appareil un mouvement à piquer durant les virages à facteurs de charge élevés ou lorsque les volets sont sortis et que la vitesse approche la limite du décrochage. En cas de dysfonctionnement des capteurs AOA, l’ordinateur de bord peut penser être proche ou en décrochage et demander alors automatiquement à l’avion de se mettre en piqué, le mettant potentiellement en danger.
/// L’histoire se répète-t-elle ?
En 1991 et 1994 le crash de deux 737-200 des compagnies United Airlines et US Air, avaient mis en lumière un défaut des vannes à commande électrique (servo-valve) sur l’unité de contrôle de la dérive du 737 (PCU), qui pouvait causer un blocage violent et soudain de la gouverne de direction en butée « Rudder hardover » en entraînant la perte de contrôle de l’avion. Les conclusions du rapport d’enquête du NTSB, avait conclu que des problèmes similaires étaient aussi la cause de l’incident du vol 517 Eastwind Airlines survenu en 1996, dont l’équipage était parvenu à reprendre le contrôle de l’appareil pour le poser avec succès. Un défaut dont Boeing avait fini par reconnaître avoir connaissance devant une commission du parlement américain.
Le constructeur Boeing, qui n’a pour l’instant livré que 348 exemplaires du 737 MAX sur les 5 300 commandes qu’il a dans son carnet, doit maintenant se montrer rassurant et pourrait être contraint d’annoncer des modifications techniques pour conserver la confiance des opérateurs et des voyageurs. Aucune nouvelle communication officielle de la part de Boeing n’a pour l’instant été faite sur le sujet depuis un premier communiqué du constructeur dimanche dans les heures qui ont suivi le crash du vol Ethiopian Airlines.
/// Parole d’expert sur les similitudes des deux crash 737 MAX 8 en l’espace de 6 mois
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visuels : AAF, FlightRadar24 et Boeing
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