L’oscillation auto-entretenue ne vous dit peut-être rien mais ce phénomène physique pourrait pourtant révolutionner les calculs de vitesse et d’incidence pour l’industrie aéronautique et permettre de renforcer la sécurité des vols. Cette technologie pourrait concerner les futurs programmes commerciaux et de défense, l’ensemble des avions en rétrofit et offrir aussi des applications au delà du marché aéronautique.
Polyvionics, jeune entreprise innovante basée à Paris et spécialisée dans l’avionique, l’automatique appliquée à l’aéronautique (identification, navigation, boucle de commande) et l’intelligence artificielle, a obtenu la délivrance du brevet français par L’INPI pour sa nouvelle sonde de vitesse insensible aux conditions givrantes et espère maintenant un brevet européen.
Co-inventée par Stéphane Querry, Docteur en guidage navigation et pilotage et Gérard Laruelle, spécialiste de l’aérodynamique et ancien Directeur de la recherche pour EADS Astrium, cette nouvelle technologie pourrait compléter des systèmes existants, comme la célèbre sonde Pitot, régulièrement montrée du doigt mais aussi trouver des débouchés dans l’industrie aéromobile pour des applications liées aux nouveaux véhicules autonomes.
/// Robuste et insensible au givrage
L’un des intérêts majeurs de la sonde est qu’elle ne dispose d’aucun orifice susceptible d’être obturé par du givre ou des cristaux de nuage. Au contraire, sa paroi aval inclinée permet de faire rebondir les cristaux, les empêchant ainsi de s’agglomérer à l’instrument.
L’invention, qui fait l’objet du dépôt de deux brevets, exploite des caractéristiques de l’évolution de l’air au sein d’une cavité et scrute les phénomènes d’oscillation/rotation auto-entretenue du fluide dans la cavité pour déterminer la vitesse mais aussi l’incidence de l’aéronef.
« On a cherché un nouveau phénomène physique à exploiter pour calculer une vitesse. » explique Stéphane Querry avant d’ajouter « De part sa conception notre sonde ne comporte aucune pièce mobile ni d’orifice, ce qui la rend insensible aux risques de givrage. Même si pour l’instant rien n’est engagé, elle intéresse les industriels avec lesquels nous avons des contacts de plus en plus prometteurs. Toutes les études montrent pour l’instant que la sonde est compatible avec les contraintes pour pouvoir embarquer à bord des appareils ».
Le développement de cette nouvelle génération de sondes pour le calcul de la vitesse des aéronefs pourrait être une réponse efficace à des problématiques de givrage que rencontrent les sondes de type Pitot, issues d’une technologie vielle de près de 150 ans et initialement développées pour les bateaux. Ce nouveau capteur pourrait même s’intégrer entre l’aéronef et son tube Pitot.
/// Principe de la sonde nouvelle génération
Avec cette sonde équipé de capteurs, on va chercher à créer une instabilité aérodynamique et exploiter les mesures pour déterminer avec une grande précision la vitesse et l’indigence par rapport au flux d’air.
En mesurant les vibrations intra-cavité induites, dont les fréquences de pics de puissance de densité spectrale dépendent directement de la vitesse de l’écoulement, la sonde détermine avec une grande précision la vitesse.
Deux familles de configurations de cette sonde validées par les logiciels de recherche en aérodynamique du CNRS de Aix-Marseille dans le laboratoire de Gilles BOUCHET sont à l’étude.
Une première famille qui ressemble à une sorte de sifflet ou de rabot, dont la forme générale est issue d’une extrusion de la cavité ne mesure que la vitesse du fluide et une deuxième famille avec une forme générale issue d’une révolution de la cavité mesurant la vitesse du fluide, dont une variation de direction implique une dissymétrie dans les mesures, permet le calcul de l’incidence de l’aéronef.
/// Débouchés pour tous les aéronefs et plus encore
Les catégories d’aéronefs concernées par cette invention sont larges, puisque les sondes peuvent aussi bien s’appliquer aux avions de ligne, d’affaires, aux avions privés d’aéroclubs, aux drones dont certain embarquent de mini sondes Pitot et rencontrent des problème de bouchage mais également aux avions militaires et notamment les chasseurs puisque ces phénomènes d’auto-oscillations ont aussi été observés en régime de vol supersonique.
A la fin des années 70, pour envisager le largage de bombes à vitesse supersonique, la NASA avait en effet cherché à étudier l’influence de l’écoulement de l’air en vitesse supersonique jusqu’à mach 1.86 mais sans chercher à exploiter l’information de vitesse. Ces études ont permis à Polyvionics de pouvoir valider que l’ensemble des phénomènes exploités par sa sonde restent observables et donc utilisables à ces grandes vitesses. Des résultats qui vont être validés plus précisément par les études de l’université de Crandfield et lors d’un partenariat avec une équipe de recherche du CNRS qui a effectué des calculs CFD, sorte de soufflerie numériques 3D. « Une autre piste serait aussi l’exploitation des capacités de la sonde pour des aéronefs furtifs, dont la signature radar des sondes de type Pitot serait disqualifiante » nous explique Stéphane Querry. Au delà de l’industrie aéronautique, la technologie pourrait aussi selon son inventeur trouver des applications dans le domaine des véhicules terrestres autonomes.
Avec l’obtention de ce brevet, Polyvionics espère maintenant pouvoir relancer un partenariat et recherche une collaboration avec un industriel intéressé par ce nouveau système et prêt à prendre part à son développement pour déboucher rapidement sur un prototype.
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visuels : Polyvionics, CNRS (Aix-Marseille) et AAF
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