Ce mercredi 18 novembre 2020 l’administration fédérale américaine de l’aviation (FAA) vient enfin de lever, après 20 mois d’immobilisation forcée, l’interdiction de vol du Boeing 737 MAX qui est impliqué dans deux accidents mortels en l’espace de cinq mois en Indonésie et en Ethiopie entre 2018 et 2019 ayant fait un total de 346 victimes.
Si les administrateurs de l’industriel américain trépignaient en attendant le feu vert de la FAA, tout comme les fournisseurs et les compagnons de l’usine de Renton où sont assemblés les 737 MAX, la remise en service de la quatrième génération de 737 n’est sans doute pas pour demain.
The FAA ungrounds the #737MAX. Read the statement and additional information at https://t.co/S0xmC3e7xa. #737MAXungrounded https://t.co/5LxLCtsGpP
— The FAA ✈️ (@FAANews) November 18, 2020
Après deux années d’une crise qui lui a déjà coûté 20 milliards de dollars, la plus grande et profonde de son histoire centenaire, Boeing devrait donc de nouveau voir voler son unique avion monocouloir en portefeuille avant la fin de l’année.
La signature par la FAA d’un document levant l’interdiction de vol du 737 MAX aux États-Unis attendue ce mercredi doit s’accompagner de la publication par l’agence américaine de directives sur la formation des pilotes de Max et les modifications nécessaires sur les appareils déjà livrés, en stockage chez Boeing et à produire.
Le MAX est la quatrième génération du programme 737 introduit dans les années 1960 est l’appareil le plus vendu par Boeing.
/// Des mois pour satisfaire les exigences de la FAA
Le retour en vol des 737 MAX 8 et 737 MAX 9 devrait en effet se faire très progressivement au fur et à mesure de la délivrance des autorisations de vol émises par les autorités de sécurité aériennes dans le monde, principalement en Europe, au Brésil et en Chine, qui procéderont chacune au préalable à des examens indépendants.
Une consigne de navigabilité (AD) publiée par la FAA dresse la liste des exigences qui doivent être remplies pour que les compagnies aériennes américaines puissent procéder au retour en service de ces appareils, parmi lesquelles : l’installation des améliorations logicielles ; la finalisation des modifications concernant la séparation des faisceaux de câbles ; la formation des pilotes ; et l’exécution minutieuse des opérations de déstockage pour garantir que les avions sont prêts à être remis en service commercial.
C’est la mise à jour logiciel des 393 avions cloués au sol depuis mars 2019 et la formation des équipages qui occuperont durant plusieurs mois les équipes de l’avionneur et des opérateurs de MAX, à commencer par la compagnie aérienne américaine Southwest Airlines.
Le transporteur lowcost américain, plus gros client du MAX avec 34 avions déjà livrés, a déjà fait savoir qu’elle envisage un vol commercial Miami – La Guardia (New York) en MAX le 29 décembre prochain. Ce retour à l’exploitation commerciale avant la fin de l’année n’est en réalité qu’une première étape pour le transporteur qui ne prévoit pas une remise en exploitation du reste de sa flotte avant le deuxième trimestre 2021, en raison du temps nécessaire pour les mises à niveau des 737 MAX de l’ordre de 30 jours par avion.
/// Contexte difficile pour toute l’industrie
Déjà mise à mal par l’attitude de Boeing après les deux accidents, qui avait un temps tenté de minimiser l’impact des modifications apportées au MAX, en particulier l’action du système MCAS qui est mise en cause dans les rapport d’enquête, la confiance des syndicats de pilotes et des passagers envers l’avionneur américain reste encore fragile car la crise du MAX a mis en évidence des dysfonctionnements dans le processus de conception et de certification de l’avion par la FAA.
Citons par exemple un rapport de la Chambre des représentants des États-Unis publié en septembre qui indiquait que Boeing avait « échoué dans sa conception et le développement du MAX, et la FAA a échoué dans sa surveillance de Boeing et sa certification de l’avion ». Ce même rapport accablant accusait encore l’avionneur d’avoir caché « des informations cruciales à la FAA, à ses clients et aux pilotes », comme avec « la dissimulation de l’existence même du MCAS aux pilotes du 737 MAX ».
/// 737 MAX : des pilotes Boeing auraient identifié un problème du MCAS en 2016
Si la FAA occupait jusqu’ici une place de leader en matière de sécurité aérienne, tel un phare éclairant le reste du monde avec des agences se contentant parfois de simplement suivre les avis et directives émises par l’agence américaine, l’affaire du MAX a quelque peu bousculé les certitudes des acteurs du secteur qui s’accordaient autre fois une grande confiance mutuelle par un principe de réciprocité dans la certification de nouveaux avions.
Deux projets de loi visant à revoir les processus de la FAA pour la certification des avions sont justement en cours aux États-Unis, l’un adopté ce mardi à l’unanimité par la Chambre des représentants et l’autre en cours d’examen par le Sénat.
Dans ce contexte, la résurrection commerciale du MAX qui se heurte en plus aux conséquences dramatiques de la pandémie de Covid sur l’économie mondiale et en particulier sur l’industrie du transport aérien, désormais plus sujette aux plans d’économies drastiques plutôt qu’au renouvellement des flottes, est aussi mis à mal par l’émergence de futures taxations douanières sur les avions Boeing par l’Union Européenne validées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) le 13 octobre dernier.
/// Vous reprendrez bien un peu de « MAX » ?
Enfin dernier détail à régler pour Boeing, celui de l’appellation commerciale de l’avion. Plusieurs dirigeants de compagnies aériennes clientes du modèle, rejoignant la position émise en 2019 par le président Trump qui suggérait un changement de nom impératif, souhaiteraient eux aussi voir disparaître la mention MAX des fuselages de 737 comme la plus grande compagnie lowcost d’Europe : Ryanair.
La compagnie irlandaise avec une commande de 135 exemplaires de MAX, a visiblement fait le choix de le modifier. En juillet, une photo prise d’un appareil de la compagnie chez Boeing avant sa livraison [immatriculé EI-HAY] montre une dénomination non officielle et encore inconnue sur le nez de l’avion : « 737-8200 » en lieu et place de l’habituelle « 737 Max 8 ». Un changement qui peut amener de la confusion avec les versions antérieures NG (Next Génération) du monocouloir américain dénommées « 737-800 ».
HI-Res Photos: The MAX name has been dropped from the high capacity version of the #737MAX8 that @Ryanair has on order. pic.twitter.com/3q5QBN0TTg
— Woodys Aeroimages (@AeroimagesChris) July 15, 2019
Si la question peut paraître au demeurant relativement anecdotique, le penchant d’une partie de la population dans le monde encline à suivre les théories complotistes par une remise en cause presque systématique de la parole des institutions, fait que ce petit changement de nom pourrait tout à fait être interprété de manière suspicieuse comme un manque de transparence et une nouvelle manœuvre de dissimulation.
La compagnie American Airlines a immédiatement réagit à l’annonce de la levée de l’interdiction de vol aux USA et indiqué dans une lettre adressée dans la journée à la FAA, qu’elle n’obligerait les passagers qui ne le souhaiteraient pas à voler sur le Boeing 737 MAX. « Si nos pilotes, ainsi que l’APA, la FAA et nos équipes de sécurité sont convaincus que l’avion est sûr, nous sommes confiants dans sa remise en service » écrit le transporteur à l’administration fédérale américaine en ajoutant que « Si un client ne veut pas voler sur le 737 MAX, il n’aura pas à le faire. Nos clients pourront facilement identifier s’ils voyagent à bord d’un MAX (…) Nous ferons preuve de souplesse pour qu’ils puissent être facilement reprogrammés (sur un vol : NDLR ) ». Un choix transparent et respectueux du client en attendant que la confiance en la fiabilité de l’appareil soit pleinement restaurée.
/// 737 MAX : Boeing n’interviendra plus dans la certification
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visuels : R.Khanna-Prade , Twitter et AAF
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