Un procureur fédéral vient d’inculper Marc Forkner, un ancien pilote d’essai chargé de la certification du Boeing 737 et alors pilote technique en chef chez l’avionneur américain.
La justice soupçonne de fraude, après avoir soumis des informations incomplètes ou fausses à la FAA (Federal Aviation Administration), l’agence gouvernementale chargée des réglementations et des contrôles de l’aviation civile aux États-Unis. Sur la base des déclarations faites par lui-même et par la société, le New York Time indique que le procureur estime qu’il a trompé l’agence et qu’il a « fraudé » les clients.
Le processus de certification du 737 MAX, en partie réalisé en « auto certification » par l’industriel pour le compte de la FAA, est dans le viseur de la justice américaine depuis les deux crashs en Indonésie (Lion Air 610) en 2018 et en Éthiopie (Ethiopian Airlines 302) en 2019, ayant coûté la vie à 346 personnes. Ces deux accidents aériens très rapprochés dans le temps et intervenus dans des circonstances proches, ont valu à la version remotorisée du monocouloir de Boeing une interdiction totale de vol au niveau mondial durant près de 20 mois.
Dans un communiqué, le ministère de la Justice explique que M. Forkner est accusé d’avoir trompé l’agence gouvernementale et « comploté pour frauder les compagnies aériennes américaines clientes de Boeing afin d’obtenir des dizaines de millions de dollars pour Boeing ». Pour les procureurs, les informations fournies à la FAA concernant le logiciel MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System) en charge de compenser automatiquement l’assiette dans certaines phases du vol étaient « matériellement fausses, inexactes et incomplètes » (…) « Dans le but d’économiser de l’argent à Boeing, Forkner aurait dissimulé des informations critiques aux régulateurs ».
Après plus d’un an et demi d’enquête dans cette affaire, les investigateurs ont découvert que Boeing et M. Forkner avaient déclaré à la FAA en juin 2015 que le fonctionnement du MCAS n’était prévu qu’à certaines vitesses élevées avant que le pilote d’essai ne découvre en novembre 2016, durant un vol sur simulateur, que le logiciel pouvait en fait se déclencher à des vitesses inférieures, y compris durant le décollage ou l’atterrissage.
Mark A. Forkner, alors chef pilote technique du Boeing 737, a écrit au pilote technique Patrik Gustavsson, pour lui indiquer que le MCAS du MAX destiné à compenser automatiquement l’incidence de l’avion en agissant directement sur la commande de trim de manière à stabiliser l’avion durant certaines phases du vol, s’engageait «comme un fou» et qualifié le problème de «sérieux» révélaient dès octobre 2019 nos confrères du Washington Post.
Une information partagée en interne par message avec un collègue mais pas avec le régulateur, qui avait finalement supprimé la mention du logiciel de son rapport de certification, et par ricochet des manuels de vol et de la formation des pilotes de 737 MAX.
Marc Forkner devrait comparaître pour la première fois vendredi pour répondre à six accusations de fraude ; il risque jusqu’à plusieurs dizaines d’années de prison.
Retour en service après mise à jour logiciel
À l’issue de plus de 360 heures sur 207 vols dont une partie réalisée sur simulateur Boeing a déclaré en mai 2019 avoir achevé le développement de la mise à jour logicielle de son 737 MAX, suspecté d’être l’élément déclencheur des deux crashs.
En novembre 2020, après près de deux ans cloués au sol, l’agence américaine (FAA) avait finalement autorisé le 737 MAX à voler de nouveau moyennant des mises à jour logicielles, des travaux électriques et de maintenances à réaliser sur les avions déjà livrés mais également la mise à jour des manuels d’exploitation et de formation des équipages. Une décision, suivie dès janvier 2021 par l’agence brésilienne (ANAC), les autorités canadiennes (Transport Canada) et l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) qui a donné son feu vert le mercredi 27 janvier 2021.
/// Rapport 737 MAX Ethiopian : les pilotes dédouanés, le MCAS pointé du doigt
visuels : ACTU AERO et Jeroen Stroes Aviation (CC BY-NC-ND 2.0)
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